Le rééquilibrage alimentaire
Interview de Sophie Boudrant-Richter, conseillère en nutrition.
Julien : Bonjour Sophie, merci de nous accorder cet entretien. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est exactement le rééquilibrage alimentaire ?
Sophie : Le rééquilibrage alimentaire est une approche globale qui vise à transformer durablement nos habitudes alimentaires en redonnant un équilibre à notre alimentation et en la rendant plus stable (moins changeante avec le temps).
Une alimentation équilibrée signifie simplement qu’elle vous apporte tous les besoins nutritionnels dont vous avez besoin sans en apporter trop d’un en particulier.
Dans cette démarche, il convient donc d’améliorer ce que vous mangez habituellement pour consommer les bons types d’aliments, dans les bonnes quantités, au bon moment de la journée, bien associés, afin de fournir une bonne nutrition et de l’énergie utile au corps pour que l’organisme se développe normalement et sans carence.
Contrairement aux régimes restrictifs qui peuvent être dangereux pour la santé, le rééquilibrage propose une vision plus saine et équilibrée de l’alimentation. L’objectif est d’apprendre à manger de tout, en quantités adaptées, tout en respectant les besoins nutritionnels de son corps.
Julien : Quels sont les principaux bénéfices de cette approche ?
Sophie : Les bénéfices sont nombreux et vont bien au-delà de la simple perte de poids. Tout d’abord, on observe une amélioration significative de l’énergie au quotidien, car le corps reçoit tous les nutriments dont il a besoin et en quantité suffisante. Il n’est pas « encrassé » ou « fatigué » par une alimentation trop riche ou inadaptée.
Ensuite, la digestion s’améliore considérablement, facilitant ainsi l’assimilation des nutriments par l’organisme, les troubles du sommeil diminuent, et la concentration est meilleure.
Enfin, sur le plan physiologique, le rééquilibrage permet une stabilisation naturelle du poids, une meilleure santé cardiovasculaire et un renforcement du système immunitaire. Mais le plus important est peut-être l’aspect psychologique : on développe une relation plus saine avec la nourriture, sans culpabilité ni frustration tout en retrouvant assurance et confiance en soi.
Julien : Concrètement, quelles sont les étapes pour quelqu’un qui souhaite rééquilibrer son alimentation ?
Sophie : La première étape et la plus importante : c’est d’avoir envie (!), puis de se lancer, car il n’y a jamais de bon moment pour entreprendre un rééquilibrage alimentaire. Et, Il vaut mieux que la démarche vienne de soi que de son médecin qui le prescrira à la suite d’un bilan sanguin défavorable ou d’un pépin de santé! Mais il faut un minimum de volonté sinon ça ne marche pas.
Après, on avance progressivement.
On commence par établir un bilan complet sur ses habitudes alimentaires, ses goûts et son alimentation au quotidien (Est-ce que je mange chez moi? A la cantine ? Au restaurant ? Est-ce que je suis plutôt sucré ou salé ? Est-ce que je cuisine seul, est-ce que j’ai le temps, l’envie de cuisiner? Est-ce que je vis en couple, en famille ? Est-ce que je sors beaucoup, je voyage….)
Ensuite, on commence par des changements simples :
- on supprime le sel, inutile d’en ajourer, les aliments présents dans une alimentation équilibrée en contiennent naturellement,
- on augmente les aliments essentiels : légumes, fruits frais, protéines, laitages, fromages,
- on diminue significativement les glucides simples : bonbons, pâtisseries, gâteaux, chocolat, sodas…
- on diminue les glucides complexes : pain, pâtes, riz, pomme de terre…
- on privilégie le bon gras (huile d’olive, huile de noix, oléagineux, avocat, sardines, maquereau…) et on diminue le moins bon (beurre, charcuterie…)
- on cuisine des produits bruts et de saison,
- on arrête les grignotages entre les repas,
- on apprend à bien s’hydrater, en visant 1,5 à 2 litres d’eau par jour, en dehors des repas.
Une autre étape très importante est de réapprendre à cuisiner et d’y prendre du plaisir!
C’est un excellent anti-stress de cuisiner car on est concentré sur sa préparation et on ne pense à rien d’autre!
Et on se force à cuisiner des légumes verts qui sont plus longs et fastidieux à préparer et qu’on ne sait souvent pas préparer ou toujours de la même façon.
Je conseille de planifier ses repas à l’avance et de bien s’organiser pour les courses afin de tout avoir au moment voulu.
Julien : Quelles sont les erreurs les plus fréquentes à éviter ?
Sophie : La première erreur est de vouloir tout changer radicalement du jour au lendemain. C’est contre-productif et souvent voué à l’échec. Le corps et l’esprit ont besoin de temps pour s’adapter aux changements. Doucement, mais sûrement !
Et s’il y a des petits plaisirs ou écarts de temps à autre, ce n’est pas grave, il faut tenir sur la durée.
Une autre erreur commune est de tomber dans la comptabilisation des calories, la pesée d’aliments ou de monter sur la balance matin et soir, ce qui est source de mauvais stress, de culpabilité et devient ingérable au quotidien.
Le rééquilibrage alimentaire ne doit pas devenir une obsession, mais une hygiène de vie, de nouveaux automatismes plus sains et surtout plein de BON SENS!
Il faut plutôt se concentrer sur la qualité des aliments, faire les bons choix et écouter ses sensations alimentaires.
Beaucoup font aussi l’erreur de supprimer totalement certains aliments qu’ils considèrent comme « mauvais ». Or, les interdits créent des frustrations qui mènent souvent à des compulsions alimentaires. Il vaut mieux apprendre à gérer les plaisirs et leur fréquence.
Enfin, certain négligent l’importance de l’activité physique qui est indispensable à une bonne hygiène de vie, surtout passé la quarantaine où la masse musculaire fond drastiquement d’année en année et doit être renforcée.
Julien : Comment gérer les moments de faiblesse ou les occasions spéciales ?
Sophie : Il est normal et même sain d’avoir des écarts occasionnels. L’important est de ne pas les voir comme des échecs, de ne surtout pas culpabiliser!
Ce sont des moments de plaisir qui font partie de la vie.
En revanche, ils ne peuvent pas être quotidien et doivent être espacés.
Je conseille d’appliquer la règle du oui, non, non, non : lorsque vous avez dit oui à un plaisir, il faut dire non ensuite afin de laisser le temps à l’organisme de l’assimiler.
Pour les occasions spéciales, il faut les anticiper et les intégrer dans son plan alimentaire. On peut par exemple alléger les repas précédents et suivants, sans pour autant se priver lors de l’événement. L’essentiel est de reprendre ses bonnes habitudes dès le lendemain, sans culpabilité.
Julien : Combien de temps faut-il pour voir des résultats durables ?
Sophie : Les premiers bénéfices comme une meilleure énergie, une digestion améliorée et un sommeil de meilleure qualité apparaissent généralement en 1 à 2 semaines. Pour les changements physiques visibles comme la perte de poids, il faut compter plusieurs semaines ou mois, tout dépend de votre objectif et de la régularité.
Mais le plus important est de comprendre que le rééquilibrage alimentaire n’est pas une solution miracle à court terme. C’est un changement de mode de vie qui s’inscrit dans la durée. Les résultats les plus significatifs et durables s’observent après 6 mois à un an de suivi régulier.
Julien : Avez-vous des conseils spécifiques pour maintenir sa motivation sur le long terme ?
Sophie : Le premier conseil est de se fixer des objectifs réalistes et progressifs. Il faut célébrer chaque petite victoire, pas uniquement la perte de poids. Par exemple, avoir plus d’énergie, mieux dormir, ou réussir à cuisiner plus souvent sont des succès importants.
Je recommande aussi de varier les plats et de découvrir de nouvelles recettes pour éviter la monotonie. De cuisiner avec des herbes aromatiques et des épices pour ne pas « cuisiner triste ». L’alimentation doit rester un plaisir. Il existe aujourd’hui de nombreuses alternatives saines et savoureuses pour tous les goûts.
Le soutien social est également crucial. Partager son expérience avec des proches, rejoindre un groupe de soutien ou consulter régulièrement un professionnel peut aider à maintenir sa motivation.
Enfin, il est essentiel d’apprendre à écouter son corps et ses signaux de faim et de satiété. Le rééquilibrage alimentaire doit devenir naturel, pas une contrainte permanente.
Julien : Un dernier message pour nos lecteurs ?
Sophie : J’aimerais insister sur le fait que le rééquilibrage alimentaire n’est pas qu’une question de nourriture. C’est un voyage personnel qui nous permet de reprendre le contrôle de notre santé et de notre bien-être. Il n’y a pas de solution unique qui convienne à tout le monde, et c’est normal de progresser à son rythme.
Le plus important est d’être bienveillant envers soi-même et de voir ce changement comme une opportunité d’améliorer sa qualité de vie, sa santé, pas comme une punition. Avec de la patience et de la persévérance, chacun peut réussir à adopter une alimentation plus équilibrée et épanouissante.